Passagère du Silence

Fabienne Verdier | Passagère du Silence
Passagère du Silence
Fabienne Verdier

Ed. Albin Michel, 2003

Si je présente cet ouvrage dans cet espace dédié à la bioénergétique chinoise et ses applications corporelles, ce n’est évidemment pas pour sa teneur historique bien qu’elle soit révélatrice de bien des choses… Ce qui retient ici l’attention et mérite d’être mis en avant dans cette superbe biographie, c’est le témoignage donné d’une tradition, de ses qualités et de sa finesse dans l’illustration vivante de son savoir-faire, de ses modes d’apprentissage et de transmission. C’est encore l’idée essentielle que, quoi qu’il soit fait, de la calligraphie traditionnelle, du marouflage, de la médecine ou des arts martiaux…, ces domaines ne sont finalement que des moyens au service de l’expression et du raffinement de l’être qui s’érige peu à peu dans la patience et l’application. L’excellence du résultat est alors directement en rapport avec la maitrise de son artisan. Ainsi, dans ce contexte culturel élaboré et cohérent, la même qualité d’intention qui guide le pinceau reste transposable à celle propre à l’exécution d’un mouvement de Taiji ou de toute autre discipline humaine.

Je vous propose quelques passages de ces « dix ans d’initiation en Chine » qui donnent un bel aperçu de la richesse culturelle chinoise ancestrale :

  • « Il était en train de donner à manger à son oiseau. Son personnage évoquait la Chine ancienne et je dois dire qu’il m’a séduite. Il émanait de son visage une noblesse extraordinaire, un détachement suprême, une intelligence subtile, une sagesse que je ne saurais décrire, mais que je ressentais d’instinct au plus profond de moi-même. Je n’avais d’ailleurs, à ce jour, jamais éprouvé ce sentiment pour aucun de mes professeurs. […] Enfin, j’avais pénétré dans un univers qui correspondait à ce que je cherchais. Parmi ses objets familiers, ses cages à oiseaux, ses livres, ses pinceaux, sa pipe à eau, le pot de miel sous le lit, sa théière Yixing, la pierre où il broyait son encre, j’avais trouvé un art de vivre qui m’enchantait. Je percevais une culture, une source vive, celle-là même qui pourrait m’initier. Je l’ai quitté le cœur en fête en le remerciant de son accueil. Il fut très étonné de lire la joie sur mon visage alors que je venais d’essuyer un refus catégorique ».
  • « Ton niveau de compréhension est déjà étonnant pour une Occidentale. Tu possèdes une intelligence du cœur qui te porte spontanément vers les meilleurs. […] Mais je te préviens, si tu commences avec moi, c’est dix ans d’apprentissage à mes côtés ou rien du tout… ».
  • « Ne t’imagine pas que nous allons tout de suite copier des estampages de calligraphies anciennes. Il faut d’abord que tu possèdes une base solide. Cette base, c’est le trait horizontal. Tant que tu n’auras pas réussi à donner vie au trait horizontal, nous ne passerons pas aux autres traits, à l’écriture des caractères. L’unité du trait de pinceau est le fondateur. Souviens-toi du Classique de la Voie et de la Vertu de Lao Zi : le un engendre le deux, qui engendre le trois, qui engendre la diversité de l’existence ».
  • « Il s’agit de prendre conscience de la pesanteur et de la gravitation universelle, le pinceau devenant alors un véritable pendule, un lien entre l’univers et le centre de la Terre. Il m’a enseigné l’attitude du corps : les deux pieds fermement ancrés à terre pour se nourrir des énergies du sol ».

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